NIANI  (le livret)
Rythmes et chants de la communauté mandingue



Le village de Malemba est situé à une trentaine de kilomètres du « goudron » (la route), dans l’arrondissement de Koumpentoum (région de Tamba Counda - est du Sénégal). La bourgade de Koumpentoum est un carrefour où vivent plusieurs ethnies parmi lesquelles les Mandingues, les Peuls, les Wolofs et les Sérères ainsi qu’une petite communauté maure et quelques familles manjack. L’arrondissement de Koumpentoum constitue le cœur d’une région traditionnellement connue sous l’appellation Niani, ce qui signifie « la fatigue » en mandingue. Selon la légende, au début des années 1800, après un long voyage, deux frères venus du Mali – anciennement appelé Soudan ou Empire du Mandingue – se sont installés dans la région pour y fonder leur royaume. Le village de Koumpentoum Socè, où ils établirent leur chef-lieu, jouit encore aujourd’hui d’un très grand prestige auprès des populations locales. Ainsi, en témoignage de respect, lors des cérémonies traditionnelles mandingues (baptêmes, mariages, etc.), une offrande est systématiquement envoyée en tribut au village fondateur de Koumpentoum Socè. D’autres villages historiques se sont développés dans le Niani : il s’agit de Ndjambour, Kissang, Ndoungoussine, Douba, Goundiour, Kouwo Socè, Malemba et Kouthia Gaydy. 

Tous les habitants de ces villages portent pratiquement les mêmes noms de famille : les Camara, les Ndome, les Ndao,... Les mariages ont lieu au sein de la communauté et sont convenus par les parents : « les cousines sont faites pour les cousins ». 

Réputés pour leur tempérament courageux, mais également pour leur méfiance, les habitants du Niani étaient d’excellents guerriers. On leur prêtait de plus des pouvoirs surnaturels comme celui d’apprivoiser les abeilles et de pouvoir les utiliser lors des combats. Les Mandingues du Niani ont été islamisés vers le milieu du XIXe siècle. Leur conversion a ensuite été accélérée avec l’arrivée dans la région des Peuls et des Wolofs. Il subsiste toutefois encore aujourd’hui de nombreux témoignages de l’attachement des Mandingues à leurs traditions animistes. Ainsi, les villages de Ndoungoussine, Koumpentoum Socè et Goundiour jouissent d’une protection magique qui en interdit l’accès aux chefs – ainsi qu’aux autorités administratives – sous peine qu’un mauvais sort ne les dépossède de leur autorité… Les Mandingues, minoritaires au Sénégal, sont apparentés aux Bambaras, l’ethnie majoritaire du Mali.  

L’activité économique au Niani est essentiellement agro-sylvo-pastorale. Chaque famille possède son propre champ, mais durant l’hivernage, c’est-à-dire la saison des pluies (de juin à octobre), les travaux champêtres se font généralement collectivement. Les principales cultures sont le mil, le maïs et l’arachide et, dans une moindre mesure, le coton. 
La mécanisation des travaux agricoles est pratiquement inexistante, aussi les animaux de trait et de bât occupent-ils encore une place prépondérante dans l’économie rurale. Par nécessité, tout agriculteur au Niani est également éleveur, même si cette activité est traditionnellement développée par les Peuls.



La pratique musicale
Le répertoire traditionnel mandingue se transmet oralement, de génération en génération. Il comprend des chants de mariage, de circoncision et de lutte. Tous ces chants sont généralement dansés et interprétés par les femmes, sauf les chants de circoncision qui sont exclusivement chantés par les hommes. Les chants sont spontanément accompagnés de percussions. Parmi ces percussions, on retrouve trois types de tambours très répandus en Afrique de l’Ouest : le bélin, long tambour à une seule membrane qui donne la rythmique, le koutourba (grand tambour) et le koutourding (plus petit) qui accompagnent. Chez les Mandingues – tout comme chez les Bambaras du Mali –, on rencontre également le djidoumdoum, « tambour d’eau », composé d’une bassine ou d’une demi-calebasse de grande taille remplie d’eau sur laquelle flotte une demi-calebasse retournée, plus petite, que l’on frappe pour accompagner les chants ( plages 3 et 7). Cet instrument de percussion se retrouve également dans d’autres cultures ouest-africaines, notamment en Centrafrique, où il est joué, comme chez les Mandingues, uniquement par des femmes.  


Ce disque a été enregistré à Malemba, dans la région de Tamba Counda, les 12 et 13 avril 2003 lors des Premières Rencontres culturelles du Niani, organisées à l’initiative de l’association des femmes Kambing (« entente ») et de l’association Colophon, avec l’appui de la Radio rurale Niani FM


le CD: les titres


  1.  Yéyéwayangoyewayeko Ndiaye
    Un roi a été renversé, la nouvelle se répand dans la savane.
    « Le roi des Wolofs est tombé à l’aube. Certains n’ont pas encore entendu la nouvelle. Il faut faire une chanson. »  

  2. Yéyéyé Kanossédjindjé Badiya
    Ce chant d’accueil souligne l’importance de la famille, des parents et des salutations. L’étiquette et la politesse exigent qu’à chaque rencontre on s’enquière des nouvelles de la famille de son interlocuteur.
    Après l’introduction, où l’on salue les toubabs (les blancs) et où il est fait allusion à ces enregistrements (« nos voix arriveront à la radio, parce que les toubabs les ont enregistrées »), ce chant évoque l’importance du mariage : « Un homme qui n’a pas de femme est un enfant ».

  3. Yayayaya
    « Quelque chose est tombé »
    Cet ancien chant était destiné aux cérémonies d’excision, aujourd’hui interdites.

  4. Donno Bongnato
    Ce chant met en garde les voyageurs des dangers et invoque les mauvais esprits pour qu’ils s’écartent de leur chemin. 

  5. Djiba wo djarila Djiba Danfa
    « Une femme vient d’avoir un bébé »
    Djiba Danfa a été « vendue ». Ses amies sont heureuses pour elle, parce qu’elle a trouvé un époux. La coutume veut qu’un homme donne une dot à sa belle famille pour pouvoir se marier.  

  6. Namounwo Kinty
    « La réponse de la jeune mariée »
    Dans cet ancien chant, il est fait allusion à une coutume toujours vivace qui consiste pour une jeune mariée à porter un pagne simplement déposé sur sa tête durant les premiers mois de son mariage. Ensuite seulement, le pagne sera noué et deviendra
    moussor (turban).

  7. Nialimba
    Ce vieux chant, à l’origine chanté par les esclaves (prises de guerre), participait aux rites d’intronisation des rois mandingues.