CRIOLLO  (le livret)
Chansons métisses



L’ancienne ville coloniale d’Arequipa
, située à plus de 2400 mètres d’altitude, était très appréciée des Conquistadores pour la douceur de son climat. Au XVIIIe siècle, elle connut un développement important dont témoigne encore une architecture coloniale civile et religieuse de prestige, généralement bien préservée dans le cœur historique de l’ancienne ville.
Les Arequipenos, les habitants d’Arequipa, se sont toujours distingués de ceux de la côte, des Andes ou de Lima, la capitale. Passant pour fiers et orgueilleux – même un peu prétentieux–, ils sont très attachés à leur identité qu’ils entretiennent jalousement, au point d’avoir créé une république autonome – toute théorique – arborant un passeport et une monnaie qui lui sont propres. L’expression culturelle traditionnelle trouve là un terrain propice à son maintien, même si cette identité est de plus en plus mise à mal par les bouleversements sociaux et économiques dont la ville doit s’accommoder. 
Arequipa, comme tant de villes du Tiers-Monde, est en passe de devenir un chancre urbain démesuré, pollué, laid et miséreux. La tradition populaire, au travers de ses chants et ses rythmes enlevés, perpétue cependant toujours l’image de la «ville blanche », des bals et des fêtes d’antan, comme pour conjurer le sort. Dernier rempart face au délabrement, ultime richesse des plus démunis, la culture persiste, résiste.



L’identité musicale d’Arequipa

La culture musicale dite d’Arequipa est fondamentalement citadine et espagnole, avec un fort métissage indien indéniable et, parfois, quelques lointaines réminiscences africaines. Les principaux genres musicaux typiques d’Arequipa et de la région sont tous, à l’exception des yaravi, habituellement destinés à être dansés. Parmi les plus courants on compte la marinera, la valse créole, le huayno et la pampena.

La valse créole. Par extension, le terme créole recouvre aujourd’hui tout ce qui appartient à la région côtière et aux villes qui s’y sont développées. Autrefois, au Pérou, le terme «criollo » désignait les fils d’Espagnols nés dans les nouveaux territoires appelés «Inde ». Par la suite, le terme désigna toutes les formes de métissage et, aujourd’hui, «criollismo » englobe un ensemble de traditions nationales incluant les usages, les coutumes, la musique, etc. originaires de la Côte, à l’exclusion de tout ce qui est indigène. A la fin du siècle dernier, les valses de Strauss font leur apparition dans les salons de Lima. Rapidement, elles vont être intégrées au répertoire populaire sans pour autant que soient abandonnées ni les anciennes mazurkas ni la joyeuse jota aragonaise. Une sorte de symbiose musicale va même s’opérer entre ces genres pour générer une forme originale, la valse créole.

La marinera doit son nom aux marins héroïques engagés dans la campagne menée par l’amiral Miguel Grau durant la guerre contre le Chili. 

On lui prête une origine africaine, venue au XVIIe siècle d’Angola avec les esclaves. Connue sous le nom de « lando », cette danse mimait l’acte sexuel. Ensuite, tour à tour nommée lundero, tondero, zambalando, zamacueca, ou encore resbalosa, mozamala et la chilena, ses formes vont varier selon les régions et les cultures, tantôt plus africaines, tantôt plus espagnoles. Le mystère de son origine demeure néanmoins total, si ce n’est l’évidente ressemblance avec l’antique fandango et la jota aragonaise. Créole quoi qu’il en soit, la marinera connut un grand succès, au point de s’être imposée partout rapidement, depuis les endroits les plus huppés jusqu’aux quartiers déshérités, devenant ainsi naturellement la danse nationale.

La pampena est un genre musical possédant un rythme marqué sur lequel il est possible de danser des sarabandes dans les cortèges et les carnavals. La pampena arequipénienne permet toutes les improvisations desquelles l’ironie populaire et la dérision ne sont pas absentes.

Enfin, le yaravi, souvent précédé d’une introduction instrumentale en solo, met en chanson des poésies qui expriment la douleur, les amours impossibles, la tristesse de l’homme andin. Les yaravi ne sont jamais dansés. Dérivé du harawi des poètes incas, ce genre a subi de multiples transformations et métissages depuis l’époque coloniale. Il s’inspire de la douleur, de la perte d’un être cher, de l’ingratitude de la femme aimée, de la solitude, …On le retrouve également en Bolivie, en Argentine, au Chili et au Paraguay.

Quant au huayno, genre plus rural que citadin, plus indigène que créole, il n’est pas représenté sur ce disque. Son origine remonterait à l’époque précolombienne et s’identifie à l’histoire du peuple andin. Très répandu, il est considéré comme le symbole de l’intégration culturelle et artistique du Pérou indien.

Alberto Valencia  (chanteur et guitare rythmique, à gauche sur l'image) et Percy Murguia (guitare principale) exécutent ici un échantillon représentatif du répertoire populaire particulier à Arequipa.  


 

le CD: les titres


  1. La Chica que me quiera  -  "La fille qui m'aimera" (Pampena)

    « La fille qui m'aimera
    Entre sa chevelure, longue et brune,
    qu'elle me fasse mourir... »

  2. Quisiera ser pica flor  - "Je voudrais être Colibri" (Pampena)

    « … et que toi tu sois Œillet
    Pour te sucer le miel du bouton de ta bouche »

  3. Como una vision  -  "Comme une vision" (Valse)
    « En ma mémoire tu es restée gravée éternellement, pour cela je te recherche... »

  4. Ciudad Blanca   -  "La Ville Blanche" (Valse)
    Un homme quitte sa ville le jour du mariage de sa bien-aimée, qui en a choisi un autre.
    « Que tu sois heureuse dans ta lune de miel... »

  5. El regreso  - "Le Retour" (Valse)
    « A présent je reviens, pèlerin fatigué, avec le cœur épuisé de rechercher la félicité... »

  6. Cardo Santo  - "Chardon sacré" (Pampena)
    « Ah oui.  Ah non, ne te coiffe donc pas avec mon peigne »

  7. Gentil Gaviota   -  "Gentille Mouette" (Yaravi)
    « Comme l'asticot, dans les sépulcres du cœur, dévore les peines amères, ainsi je me retrouve chaque matin »

  8. La Traidora  - "La traîtresse" (Marinera)
    « Pourquoi me caressait-elle, me caressait-elle, me caressait-elle ? Oh, traîtresse… »

  9. Natividad (Marinera)
    Natividad est belle... et infidèle.

    « Mon amour, mon amour, où as-tu été ?
    Toute la nuit je t'ai cherchée, Natividad »

  10. No se puede, si se puede  - "On ne peut pas, oui, on peut" (Pampena)

    « … oublier qui l'on aime.
    Que pour un amour trahi,
    V
    ienne le Diable et puis l'emmène »

  11. Mi Idelfonsa  -  "Mon Idelfonsa" (Pampena)

    Monologue:
    « Un jour je me lavais la figure quand ma mère arriva et me dit:
    - Où vas-tu ?
    - Je vais à la ville acheter un guiriguiri.
    - Comment?
    - Je vais à la ville acheter un guiriguiri.
    - Quel guiriguiri ?  Va plutôt mener l'ânesse au pré! »

    En y allant, arrive Idelfonsa ; elle me dit:
    «- Et où vas-tu?
    - Ma mère m'envoie mener l'ânesse au pré, mais d'abord chante-moi une de ces chansons que tu connais.
    - Hé! Bien sûr... »

    Début du chant:
    « Mon Idelfonsa que de souvenirs tu m'as laissés quand nous étions entre les épis de maïs... »

  12. Soy solterito  -  "Je suis célibataire" (Pampena)

    « Je suis célibataire, Monsieur,
    Et, seul, je vis mieux. Je vis mieux !
    Je n'ai personne qui me demande:
    D'où viens-tu et où as-tu été ? »

  13. La Bonita   -  "La Jolie" (Pampena)
    « Est arrivé le jour d'Arequipa. Fêtons-le, comme l'âme le commande... »

  14. Desde tu separacion   - "Depuis ta séparation" (Yaravi)
    « Si on t'a ôté la vie, fais de la mienne ta barque... »

  15. Sonriendo estoy   -  "Je suis en souffrance"  (Pampena)
    « Pour l'amour de la femme que j'aime... Cette femme n'a pas de coeur... »

  16. Rio de Arequipa   -  "Rivière Arequipa" (Pampena)

    « Tu t'en vas, trompant (les gens)
    Tu me laisses pleurant... »