GOLAGUL (le livret)
Chants d'amour et de résistance
Située à une soixantaine de kilomètres au sud-est du port de Massawa, la plaine de Zula s’étend en basses terrasses entre le piémont du haut plateau érythréen (la chaîne montagneuse Ghedam) et la Mer Rouge. Protégée par le golfe du même nom et située en face de l’archipel de Dahlak, elle occupe depuis l’antiquité une situation stratégique convoitée, comme en attestent les ruines de l’ancienne cité portuaire Adulis, tête de pont du royaume d’Axum sur la Mer Rouge. La plaine alluviale de Zula recouvre une étendue de 140 km² dont un dixième seulement est actuellement cultivé (sorgho et maïs). Alors que la quasi totalité de la côte érythréenne (du Soudan au Nord, à Djibouti au Sud, en longeant la Dankalie) souffre d’une aridité endémique, la plaine de Zula, grâce aux crues saisonnières et à la richesse de ses sols alluviaux, jouit d’une fertilité exceptionnelle pour la région.
Afar, Tigré et Saho
Trois groupes ethniques, les Tigré, les Saho et les Afar, composent l’essentiel des quelques 50.000 habitants de la plaine de Zula, concentrés surtout dans les villages de Foro, Afta et Zula. Ces communautés se différencient par leur origine, leur organisation sociale et leur culture, mais surtout, selon le critère de leur langue vernaculaire d’usage, bien que la diglossie et la tri-glossie sont très fréquentes.
La musique
Les chants recueillis et reproduits sur ce CD intitulé Golagul , « la plaine », recouvrent les traditions musicales de ces trois communautés établies à Zula (en photo: le groupe des Saho). Si la rythmique et le répertoire diffèrent selon les groupes, la structure musicale des chants reste sensiblement pareille: une chanteuse ou un chanteur principal donne généralement le tempo à l’aide de claquements de mains ou de battements de tambour (tambour à membranes / kobero); les sections en solo alternent avec les incantations du groupe - hommes et femmes se séparent spontanément -, qui répète en chœur ou reprend un refrain, en rythmant la mélodie de claquements de mains. Des youyous (èlel) appuient parfois certaines strophes, au gré de l’humeur des femmes qui les lancent.
Dans ces communautés rurales traditionnelles, qui vivent à l’écart du monde moderne, le chant et la danse occupent encore une place prépondérante.
Mais, contrairement aux programmes radiophoniques, instrumentalisés d’abord par l’EPLF (Front populaire de libération de l’Erythrée), par le gouvernement légitime ensuite (1993), et qui diffusent pour conscientiser les populations des musiques traditionnelles trigrinya modernisées où, paradoxalement, l’influence musicale amharique (d’Addis Abbäbä) est très présente, ces chants populaires ont conservé quant à eux toute leur authenticité. La plupart des chants présentés ici ont en effet une origine ancienne et reproduisent des mélodies et des rythmiques traditionnelles, propres à chaque communauté. Toutefois, le contenu des chants lui-même est souvent inspiré, partiellement ou entièrement, par l’évolution de la situation politique. Ces chants populaires répondent ainsi à la fois à un critère identitaire et à une forme de modernité dans la continuité.
Trente années de guerre de libération, de privations et de souffrances ont contribué à l’émergence d’une identité nationale commune forte, sans pour autant, comme en témoignent ces chants, altérer la richesse d’une société multi culturelle.
Ces enregistrements ont été réalisés à Foro (Zula) en février 1999, pendant le conflit frontalier qui opposait l’Erythrée à l’Ethiopie depuis juillet 1998.
le CD: les titres
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