TARABU (le livret)
Chants d'amour
Lamu est le nom donné à la ville et à l'île qui se trouvent sous l'équateur, le long de la côte orientale de l'Afrique, au nord du Kenya. L'île de Lamu fait partie d'un archipel d'îles séparées du continent par un étroit canal bordé d'une forêt de palétuviers. Ce passage est protégé de l'Océan indien par des récifs de corail et de grandes dunes de sable. De nombreux sites archéologiques situés sur les îles et en bordure du continent témoignent de la longue histoire de la région. Depuis sa fondation, la ville de Lamu est un centre de commerce côtier très important, dont l'économie est encore dominée par des activités maritimes assez diverses : la pêche, la construction de bateaux, le transport maritime et la culture des palétuviers. Les habitants de Lamu et des îles sont issus de l'association et du mélange de plusieurs groupes humains différents : Bajun, Arabes omanis, quelques Boni et Somali ainsi que des Pokomo et des Mijikenda. On rencontre aussi quelques Indiens bohora dans l'archipel, mais ils n'ont jamais pratiqué d'intermariage. La grande majorité des habitants de Lamu sont musulmans, et la ville est un lieu de pèlerinage important où les dévots de l'Afrique de l'Est se réunissent chaque année pour célébrer le Maulidi, l'anniversaire de la naissance du Prophète.
La poésie populaire chantée qu'on appelle Tarabu peut s'entendre un peu partout le long de la côte du Kenya, ainsi qu'à Zanzibar, à Pemba et le long de la côte de Tanzanie. Ce genre musical a été particulièrement sensible aux influences extérieures, comme cela s'entend dans l'accompagnement musical et même dans le style des chants. Les instruments de musique viennent de l'Inde, du Portugal et du monde arabe. Le petit harmonium, harimoni, d'origine portugaise, que l'on peut entendre dans les enregistrements de ce disque, avait été importé en Inde par les missionnaires portugais. Cet instrument qui s'entend aujourd'hui dans la musique populaire du Rajasthan est arrivé sur la côte orientale de l'Afrique avec les navigateurs qui faisaient le commerce du bois et des épices entre l'archipel de Lamu, la péninsule arabe et le monde indien.
L'harmonium peut parfois être remplacé par une sorte de cithare, kinanda, dont l'origine est encore mystérieuse. Les musiciens des groupes qui chantent les tarabu peuvent se faire accompagner, de temps à autre, d'une flûte oblique nay, d'origine persane. Les percussions ne sont pas seulement africaines, des tablas indiens, des bongos et des tambourins peuvent accompagner les chants, comme c'est le cas dans le groupe de Mohammed Famao. Le nombre d'instruments qui accompagnent les Tarabu varie d'un groupe à l'autre et même d'une exécution à l'autre, selon les circonstances et le choix du chanteur principal. Le chant, en langue kiswahili, presque toujours en vers, est interprété par un chanteur soliste accompagné, en chœur pendant le refrain, par les autres musiciens ou par l'assemblée.
Le Tarabu est le genre de musique le plus populaire parmi les Swahili de la côte, on le joue pour les mariages, pour des événements heureux et pendant des soirées et des fêtes de réjouissance. Les Tarabu sont un remarquable témoignage de l'extraordinaire richesse de la culture swahili de la côte orientale de l'Afrique. Cette musique a su intégrer aux éléments de la culture originale de la région, les influences acquises au cours des contacts avec les nombreux éléments étrangers qui se sont succédés dans cette partie de l'Afrique.
Les chants de ce disque sont des poésies de Mohammed Famao, inspirées du style traditionnel des Tarabu (en arabe tarab) de la côte kenyanne. Le style indien de ces chants trouve son inspiration dans les musiques de films indiens qui sont largement diffusés en Afrique de l'Est. Mohammed Famao et ses compagnons se rendent aussi souvent qu'ils le peuvent à ces séances de cinéma, afin de s'imprégner de l'atmosphère musicale de ces films. Ces musiciens jouent régulièrement à l'occasion de fêtes de mariage ou plus simplement pour le plaisir des auditeurs qui les invitent à jouer le soir sur le toit de leurs maisons. Les enregistrements de ce disque ont été faits dans ces circonstances en avril 1985. Les pauses entre les morceaux et les intermèdes sont occupés par le chant des cigales, qui nous rappelle que la musique de Tarabu est un art vivant qui se pratique aussi à l'air libre dans l'intimité des chaudes soirées de Lamu.
le CD: les titres
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