Eddy Pennewaert
  
Un jeune label de 20 ans, une même ligne éditoriale et des musiques plus que jamais à l'écoute du monde :
bon anniversaire Colophon Records !

 


 

 

 

 

Fin 1998, l'association Colophon crée son propre label de musiques du monde: Colophon Records ! Active dans le domaine de l'éducation au développement, l'association lance alors ce projet éditorial atypique, espérant ainsi sensibiliser autrement le public – belge francophone initialement – aux problématiques de la solidarité internationale. Au fil des parutions, le projet se peaufinera et se distinguera par des contributions reconnues, tant par les milieux culturels que scientifiques, pour leur intérêt « ethnographique » et leur qualité artistique. La méthodologie du jeune label est sans concession. Chaque CD est conçu en étroite collaboration avec les musiciens et les communautés dont ceux-ci sont issus. Ils déterminent eux-mêmes le répertoire présenté et participent directement à l’élaboration du livret. De plus, un contrat d'édition, spécifiant les droits des musiciens et des communautés, est systématiquement établi entre les parties. Une pratique juridique pionnière dans l'édition des musiques traditionnelles, lesquelles sont d'ordinaire considérées comme appartenant au domaine public, donc libres de droits ! Enfin le label, en poursuivant une ligne éditoriale stricte consacrée exclusivement à des répertoires méconnus et à des pratiques musicales populaires et traditionnelles menacées, participe de fait à la sauvegarde de certains patrimoines immatériels.
A la conception et aux commandes de ce projet depuis sa genèse, Eddy Pennewaert qui, une fois n'est pas coutume, pour cette édition spéciale et à l'occasion du 20e anniversaire de Colophon Records, s'invite dans cette rubrique !



Dominique Daems (pour Colophon)- Vous avez créé ce label il y a maintenant 20 ans. Quelque 40 titres plus tard – et par rapport à vos objectifs – pensez-vous toujours que les musiques traditionnelles et populaires peuvent être des outils de sensibilisation à la solidarité?

Eddy Pennewaert - Il faut replacer le projet dans son contexte initial. Il y a vingt ans et plus, dans les milieux du développement, celui des ONG en particulier, on ne s'intéressait pratiquement qu'aux problèmes économiques, sociaux, agricoles... des populations « défavorisées » du Sud. La culture de ces populations que nous avions pour mission de secourir était – dans la grande majorité des cas –, absente du débat et absente dans les actions menées sur le terrain. L'image transmise dans les pays riches du Nord était exclusivement concentrée sur la misère... aussi, il faut bien le reconnaître, pour mieux alarmer les consciences des populations donatrices et des bailleurs de fonds des pays riches, et les encourager à soutenir financièrement leurs projets. Qui aidions-nous ? Des populations souffrant de la famine, des pauvres parmi les pauvres, des malades, la veuve et l'orphelin, les victimes civiles des guerres et celles des catastrophes naturelles, bref les démunis de la planète, ou plus exactement une sélection d'entre eux. Que savions-nous d'eux en dehors des effets de la misère dans laquelle ils vivaient au quotidien ? Pratiquement rien. Les ONG communiquaient-elles sur l'héritage culturel de ces populations, sur leurs traditions séculaires, sur leurs modes de vie ? Nous apprenait-on à accepter leurs différences, sans condescendance ? Etions-nous curieux de leur histoire, de leur culture ? Etions-nous à l'écoute de leurs aspirations d'équité ? Il n'est pas question ici de faire le procès de l'aide humanitaire ou des politiques d'éducation au développement. La culture en général, à l'époque, n'était pas considérée comme un facteur pouvant favoriser les actions de développement ou même devant y participer. C'était le constat. Et je persiste à croire que c'est une grave erreur. 
Avec nos partenaires1, nous voulions – à notre petite échelle bien sûr – essayer d'opposer à toute cette misère médiatisée une réalité plus « complète » incluant les identités culturelles et la richesse de cette diversité. Mais, avancer l'idée de richesse pour sensibiliser aux problèmes de populations vivant dans l'extrême précarité était un fameux paradoxe. Pas question de faire de l'angélisme, d'occulter la réalité ou de minimiser le besoin criant de solidarité. Bien au contraire ! Nous voulions seulement rappeler que ces populations, pour démunies qu'elles étaient, avaient elles aussi quelque chose de grande valeur à nous offrir : leur culture. Casser en quelque sorte le mouvement à sens unique. Intégrer la notion d'échange, de réciprocité... Voilà pour la théorie !
Côté faisabilité, la musique, parmi les traditions populaires, était pour moi le meilleur médium. On la trouve partout, elle touche tout le monde, elle se diffuse aisément, prend peu de place – au sens propre ! – est souvent festive et « positive » et, surtout, elle est « universelle ».
Si nous avons réussi ? Sur le plan d'un changement de perception de ces populations que nous voulions tant aider... Je ne le pense pas. La tâche reste énorme encore aujourd'hui. Le décloisonnement n'a pas eu lieu. Les préjugés et la méconnaissance sont toujours de mise. Peut-être dans une moindre mesure, mais je n'en suis même pas convaincu. Par contre, dès les premières productions, il y a eu des effets 'collatéraux' extrêmement encourageants, principalement dans le Sud, auprès des communautés avec lesquelles nous concevions les disques qui seraient diffusés au Nord.


Colophon - Mais votre action de sensibilisation visait principalement les publics du Nord...

Eddy Pennewaert - Absolument ! Et d'ailleurs le bilan au Nord n'est pas négatif. L'action de sensibilisation des publics – action expérimentale – avait ses limites, lesquelles d'ailleurs sont très instructives. Mais ce que nous avions totalement sous-estimé en tant qu'éditeur de musiques populaires traditionnelles, c'était l'importance de notre participation indirecte à la sauvegarde de patrimoines immatériels. Le plus souvent des patrimoines menacés par les bouleversements économiques et sociaux, principalement à cause des effets de la globalisation. Editer aujourd'hui est un acte de résistance et en ce sens le projet est une réussite. Une réussite modeste, bien évidemment, mais force est d'admettre que la Collection des musiques populaires du monde et ses quelque 40 CD sont bien là pour en témoigner...
La diversité culturelle de l'espèce humaine est aujourd'hui menacée au même titre que la diversité naturelle de notre planète. Des répertoires vont disparaître avec leurs interprètes. Des instruments de musique sont remplacés par d'autres plus en vogue. Des traditions tombent dans l'oubli... La liste de toutes les mutations reste encore à établir. Il est donc urgent de sauver ce qui peut encore l'être. C'est un devoir de mémoire. D'ailleurs un inventaire de ces patrimoines en péril serait bien utile, ce que tente de réaliser depuis plusieurs années l'UNESCO.
L'intérêt de la production discographique réside dans le fait qu'elle fixe la musique telle qu'elle se joue à un moment donné, à un endroit donné, par une communauté donnée. C'est cette trace que nous gravons sur un bout de plastique. Les répertoires que nous publions sont fragiles autant que précieux. Certains font déjà partie du passé. Il y a donc urgence.

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Le groupe Maravilla de los 20 cerros en répétition à Santa Maria Yacochi dans leur "studio" improvisé à 3000 m d'altitude pour protéger les enregistrements du vent. Sierra Norte, Mexique (février 2005, pour le CD Tekuas - Col.CD123).   

Colophon - D'une action de sensibilisation à vocation humanitaire vous êtes passé à une mission de sauvegarde... Mais qu'en est-il de ce partenariat avec les ONG ? Y-a-t-il eu un changement de ligne éditoriale ? 
  

Eddy Pennewaert - Pas tout à fait. D'abord, les actions de sensibilisation à la solidarité ne sont pas incompatibles avec la sauvegarde du patrimoine immatériel ! Il y a pas mal de corrélations entre elles, de causes et d'effets. Il est vrai que nous avons pu lancer notre projet éditorial grâce à un financement public, accordé à un consortium d'ONG dont Colophon avait en charge le volet « éducation au développement »1.
Il faut bien admettre que les résultats des différentes approches en matière d'éducation au développement étaient, dans leur ensemble à l'époque, peu probantes. L'Administration, avec beaucoup de bienveillance, il faut le souligner, nous a donné l'opportunité de mettre en œuvre ce projet d'édition musicale, totalement novateur et expérimental. Mais personne n'y croyait et c'était loin d'être gagné. Pour les acteurs culturels, nous étions des intrus qui marchions sur leurs plates-bandes ; pour les collègues du secteur du développement nous passions pour des farfelus... Titre après titre, les mentalités ont commencé à changer. On a oublié tout cela ! Une certaine vitesse de croisière et une régularité de production ont même été atteintes, avec de très beaux résultats à présenter.
Un changement de politique – et de gouvernement – une réorientation des priorités, une volonté de « professionnaliser » le secteur associatif (ndlr : du développement) et plusieurs réformes nous ont poussés, un peu contraints et forcés, à nous émanciper de nos bailleurs de fonds. Ces chamboulements administratifs ont surtout porté préjudice aux petites associations, parfois aussi efficaces, sinon plus, dans leur secteur d'activité ainsi que sur le terrain que les grosses organisations. Leur travail, du jour au lendemain, était critiqué, inadapté, voire suspect. Il fallait un « business plan » et progressivement tendre vers une certaine autonomie... Tout cela,
in fine, pour faire des économies, ne nous voilons pas la face 2. Nous avons joué le jeu et cela a plutôt bien fonctionné pendant une courte période. Nos productions étaient bien distribuées et accessibles dans les réseaux alternatifs autant que dans les réseaux commerciaux classiques. Les titres s'empruntaient dans les Médiathèques de la Communauté Française, se vendaient chez les disquaires, et un certain public – il est vrai sur la vague de la world music – montrait de l'intérêt pour les musiques traditionnelles en général, et les nôtres en particuler. Le produit des ventes suffisait au financement des nouvelles productions en attente. L'avenir était prometteur. Précisons que l'association n'avait pas – et n'a toujours pas ! – de permanent ni de loyer à payer et que le travail est toujours effectué bénévolement, à l'exception de certains prestataires de services de la chaîne de production. Démonstration était faite que nous pouvions nous passer de subventions et recouvrer une liberté éditoriale sans accommodements. La recette, très libérale, semblait même fonctionner ! Mais la « real economy » allait rapidement reprendre tous ses droits. Et, pire, nous n'avons rien vu venir ! En effet, le secteur du CD audio s'est littéralement éffondré en quelques années face à la révolution numérique et aux modifications du comportement des consommateurs. Des distributeurs ont fait faillite3, des usines de CD ont disparu ou se sont délocalisées, les disquaires se sont raréfiés et les réseaux alternatifs sur lesquels nous espérions pouvoir nous appuyer ont préféré vendre des bananes équitables... Mais nous avons conservé la même ligne éditoriale...

Colophon - N'était-il pas trop ambitieux de vouloir couvrir tous les continents ? L'Europe n'a fait son apparition dans votre catalogue que depuis peu avec une production grecque l'année dernière et une production wallonne à l'occasion de cet anniversaire ? 
  

Eddy Pennewaert - Les musiques traditionnelles européennes ont été maintes fois publiées et en général beaucoup mieux que nous aurions pu le faire. Nous avions des opportunités dans le Sud, avec un projet humanitaire en plus... On ne pouvait être sur tous les fronts. Une production c'est aussi une question de moyens. Peut-être est-ce à cause de la situation économique de la Grèce – et de la difficulté de trouver un éditeur commercial vu la confidentialité de son projet – que la chorale Echo de l'Université de Thessalonique nous a sollicités ? Nous avons échangé deux années durant avant de produire ce très beau disque. La démarche du groupe, la rareté des chants, l'urgence aussi de préserver cet énorme travail de restauration, une belle complicité musicale et amicale... autant de bonnes raisons pour revenir en Europe ! Pour le disque des Wallons – Djouwè ! – c'était le moment et l'occasion de revenir au pays. Les arguèdènes du groupe À râse dè têre ont tout à fait leur place dans la collection! Il s'agit d'un patrimoine vivant – le nôtre – et cependant méconnu. Ce disque est le fruit de longues années de recherches et de pratique de talentueux musiciens. Nous n'allions tout de même pas bouder cette belle opportunité ? L'histoire nous lie aussi au Congo. Dans la série « archives » nous publions cette année un troisième disque consacré aux musiques de ce pays. Ce sont des enregistrements anciens d'autant plus rares que la situation politique et humanitaire s'y est depuis détériorée et que ces musiques vont peut-être disparaître, si ce n'est pas déjà le cas.
  

Colophon - Certains disent le CD moribond. Voyez-vous encore un avenir à publier des titres sous une forme physique, comme la Jewel Box, le digipack ou même le vinyl qui fait son grand retour ? 
  

Eddy Pennewaert - Nous devons évoluer et nous adapter à la révolution numérique et aux nouveaux comportements de consommation culturelle. C'est une évidence. La récente mise à niveau de ce site, entièrement revu quant à son contenu et son fonctionnement, nous a redonné une visibilité qui était en perte de vitesse si on en était resté à un catalogue en ligne. Mais nous continuerons à publier – à la hauteur de nos moyens – sur le support physique. La tablette et le livre numérique n'ont pas tué le livre papier comme on nous le prédisait. Le CD physique est un contenant cohérent, conçu comme un tout qu'on peut tenir en main, avec un livret. La musique traditionnelle se découvre par le disque ou le concert ou, pour les privilégiés qui voyagent, sur le terrain dans son contexte. On ne la picore pas sur le « cloud ». C'est mon avis, mais je suis probablement vieux jeu ! Le CD est peut-être un objet du passé, mais il a encore ses adeptes et pour un bon moment. La vraie question, c'est de trouver sa niche.
Colophon Records publie des patrimoines rares, méconnus, fragilisés ou menacés d'extinction. Essentiellement des inédits, comme nous l'avons toujours fait. Des disques qui, par leur conception différente et leurs contenus rares, voire pointus ou confidentiels, ont peu de chance d'être publiés par les grands éditeurs de musiques traditionnelles. La harpe birmane saung gauk, à l'époque où nous produisions un CD entier consacré à cet instrument merveilleux, n'était représentée que par un ou deux morceaux dans de rares CD de compilation de musiques du Myanmar. Même contexte pour ces chants des Xalfas d'Ouzbékistan auxquels nous avons consacré un disque entier. Evidemment, cela demande de la part de l'auditeur plus d'efforts. En éditant le travail des élèves de terminale, option fanfare, d'une école de réinsertion sociale dans la communauté des Indiens Zapotèques de la région de Oaxaca au Mexique, nous sommes allés encore plus loin. Qui aurait édité ce répertoire, pourtant populaire et traditionnel ? Le disque consacré aux musiques des Karitiana, une minuscule communauté indienne d'Amazonie, a eu une portée politique locale sans commune mesure avec le travail de sauvegarde – précieux et indispensable – des ethnomusicologues qui l'ont enregistré.
Le projet cubain, Raices de la musica cubana, alors qu'il existe une pléthore de productions de musiques cubaines, est le fruit d'une sélection rigoureuse effectuée par des musicologues cubains afin de remonter aux sources, aux « racines », de leur culture musicale. Cela n'avait jamais été fait ainsi. Le projet est malheureusement inachevé, mais a le mérite d'avoir présenté certains fondamentaux de la musique cubaine, par les Cubains. Le jeu particulier de Noumoukounda Kouyaté à la gora – instrument oh combien édité, montre ici un jeu inédit, oublié. Les yaravis, interprétés par les frères Delgado d'Arequippa au Pérou, auraient disparus avec leur décès sans leur disque. Les collectages réalisés par ces jeunes Quechas de Chincheros au Pérou, ou par ceux de la Comunidad Pachamama à Sucre, en Bolivie, révèlent des musiques andines très peu connues, pratiquement jamais éditées. La chorale de l'université de Thessalonique a ressorti de l'oubli ces superbes polyphonies rurales... Nous publions pour les 20 ans de Colophon Records des musiques des Pygmées et des Lese de l'Ituri. Deux communautés étroitement liées qui se complètent musicalement comme dans la vie, mais dont jusqu'ici seules les polyphonies des Pygmées ont été éditées. Chaque disque a son histoire et chaque musique une bonne raison d'avoir été publiée. Tous ces particularismes, dans le jeu, dans la démarche, dans le projet social de leurs auteurs, etc. font notre ligne éditoriale. Ils constituent l'identité de notre label et donnent du sens à notre travail d'éditeur.

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La Columbia del Puerto au complet et l'équipe de Colophon Records à Matanzas (Cuba) pour la photo souvenir de la fin de l'enregistrement du CD Rumba (Col.CD135, septembre 2009).   

Colophon - Des échecs ? Des regrets ?
  

Eddy Pennewaert - Les regrets, ce sont ces perles rares que l'on découvre chez d'autres éditeurs et qu'on aurait aimé voir figurer dans notre catalogue ! ... En vérité, tous les projets n'aboutissent pas ! C'est souvent une question de moyens, mais pas uniquement. Parfois les relais ne fonctionnent pas bien. Parfois on se trompe sur le contenu et alors il faut faire marche arrière. Les vrais échecs sont heureusement rares. Nous avions déniché un partenaire culturel potentiel en Palestine, à Ramallah, qui détenait dans ses archives des centaines d'heures d'enregistrements de terrain jamais publiées. Un matériel magnifique, collecté dans les villages sur plus de trente ans. La mémoire de tout un peuple ! Dans le contexte difficile de la construction d'un Etat palestinien, nous avions là une opportunité de valoriser une partie de leur patrimoine culturel et de véhiculer des messages d'espoir. Notre modeste projet d'édition – un seul CD ! – pourtant bien avancé, a capoté au cours de la production, faute d'avoir pu rapidement dégager les moyens suffisants pour payer les frais techniques sur place. Les interruptions sont généralement fatales. De plus, la priorité des Palestiniens allant aux projets les mieux financés – on peut les comprendre ! – le projet s'est enlisé et on en est resté à une mauvaise ébauche de maquette sonore. 
Le cas de Cuba est différent, quoique.... C'était un projet à plus long terme appuyé par le Ministère de la Culture cubain au travers de son réseau de Casas de la Musica et d'un impressionnant réservoir d'ethnomusicologues. La situation économique très difficile que connaît Cuba, le manque criant de moyens et d'équipements du partenaire cubain, etc. font que les productions y sont plus coûteuses qu'ailleurs. Dans le contexte de crise du CD, le projet a pris du retard et, les interlocuteurs changeant, il n'en faut pas plus pour qu'il soit oublié. D'autant que l'arrivée sur l'île – certes encore timide – de producteurs nord-américains change également la donne. Mais ce qui n'a pu se réaliser hier, se fera peut-être demain ?
  

Colophon -  Pour un label qui se veut pointu et dont la collection de titres de musiques populaires et traditionnelles traduit une rigueur presque obsessionnelle quant à l'authenticité, n'est-ce pas une entorse d'avoir organisé pour son 20e anniversaire un concert événement avec la chanteuse capverdienne la plus jazzy, Mariana Ramos ? 
  

Eddy Pennewaert - Les traditions sont vivantes, évolutives. De nouveaux rythmes apparaîssent, d'autres disparaissent. Les répertoires changent, les interprètes « interprètent » . Des instruments tombent dans l'oubli, d'autres sont électrifiés et de nouvelles sonorités naissent tous les jours. Les influences « multiculturelles » enrichissent le jeu des musiciens, parfois aussi l'appauvrissent...
Nous ne changerons pas de ligne éditoriale en ce qui concerne nos productions. Mais si nous voulons amener le public à s'intéresser aux musiques traditionnelles, on ne parle pas ici de la « world » et de la variété internationale modelées de toutes pièces pour amuser, distraire et produire de l'argent, il faut, entre autres, lui présenter aussi des traditions bien vivantes, en évolution, en prise avec leur époque et à l'écoute des problèmes de celle-ci.
Mariana Ramos, qui nous fait l'amitié de nous soutenir, incarne cette évolution de la tradition. Les racines de son répertoire sont indéniablement capverdiennes, mais du Cap Vert d'aujourd'hui. Sur des airs de morna, batuke, mazurkas, elle évoque la condition de la femme, l'exil des hommes, les difficultés de la vie insulaire, l'indépendance et ses luttes... C'est probablement une des raisons pour laquelle les différentes traditions musicales populaires dont elle s'inspire auront une chance de perdurer.        

Propos recueillis par Dominique Daems
 Adm. Colophon asbl 
Octobre 2018 © Colophon

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(1) L'association Colophon faisait partie de 1997 à 2007 d'un groupement d'ONG intitulé Consortium 6 Novembre pour lequel elle était en charge des actions d'éducation au développement. Les partenaires de Colophon au sein de ce consortium aujourd'hui dissous étaient : l'ACDA (Action et Coopération pour le Développement dans les Andes), l'association Belgique-Bolivie (ABB), le Comité belge de soutien à l'Erythrée (CBSE) et l'association Alternatives Sud.
 
(2) Le projet a été soutenu partiellement sur une période de dix ans par le Ministère de la Coopération au développement (DGCI, Direction générale de la Coopération internationale, Ministère des Affaires étrangères de Belgique). Il a également bénéficié de l’appui de La Médiathèque de la Communauté Française de Belgique qui lui assurait une diffusion auprès d'un large public, au travers de son réseau de prêt en Wallonie et à Bruxelles. Ces deux partenariats importants se sont éteints, pour l'un suite à une énième réforme des conditions d'accès à l'aide publique et par restructuration et choix stratégique pour l'autre.

(3)
Les distributeurs AMG, Codaex, Mondomix ; les usines et leurs agents, Sonovit, Care4data, Π3,14, etc.


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La
bannière utilisée pour cette page: Pempa Khan jouant de la clarinette murali et d'autres musiciens Manghaniyars / Rajasthan 

 

Crédit photo: © V. Bouillon / Colophon asbl 2018